La croyance relative à Magie et Magiciens

La magie est l'art de produire dans la nature des choses au-dessus du pouvoir des hommes, par le secours des démons, ou en employant certaines cérémonies que la religion interdit. Celui qui exerce cet art est appelé magicien.


Les différentes sortes de magies

On distingue la magie noire, la magie naturelle, la cœlestialis, c'est-à-dire l'astrologie judiciaire, et la cœremonialis.
La cœremonialis consiste dans l'invocation des démons, en conséquence d'un pacte formel ou tacite fait avec les puissances infernales. Ses diverses branches sont la cabale, l'enchantement, le sortilège, l'évocation des morts et des esprits malfaisants, la découverte des trésors cachés et des plus grands secrets, la divination, le don de prophétie, celui de guérir par des termes magiques et par des pratiques mystérieuses les maladies les plus opiniâtres, de préserver de tous maux, de tous dangers au moyen d'amulettes ou de talismans, la fréquentation du sabbat, etc.
La magie naturelle, selon les démonographes, est l'art de connaître l'avenir et de produire des effets merveilleux par des moyens naturels, mais au-dessus de la portée du commun des hommes. La magie artificielle est l'art de fasciner les yeux et d'étonner les hommes, ou par des automates, ou par des escamotages, ou par des tours de physique.
La magie blanche est l'art de faire des opérations surprenantes par l'évocation des bons anges, ou simplement par adresse et sans aucune évocation. Dans le premier cas, on prétend que Salomon en est l'inventeur. Dans le second, la magie blanche est la même chose que la magie naturelle, confondue avec la magie artificielle.
La magie noire ou diabolique, enseignée par le diable, et pratiquée sous son influence, est l'art de commercer avec les démons, en conséquence d'un pacte fait avec eux, et de se servir de leur ministère pour faire des choses au-dessus de la nature. C'est de cette magie que sont entichés y ceux qu'on appelle proprement magiciens. Cham en a été, dit-on, l'inventeur ou plutôt le conservateur. Car Dieu n'envoya le déluge, disent les démonomanes, que pour nettoyer la terre des magiciens et des sorciers qui la souillaient.


A propos des magiciens

Cham enseigna la magie et la sorcellerie à son fils Misraïm, qui, pour les grandes merveilles qu'il faisait, fut appelé Zoroastre. Il composa cent mille vers sur ce sujet, et fut emporté par le diable en présence de ses disciples.
Il n'est pas nécessaire d'établir ici la vérité des faits rapportés dans l'Ecriture sainte sur la magie et les magiciens. Ils ne sont contestés que par la mauvaise foi des incrédules qui ont leur parti pris de nier. C'est plus tôt fait. Tous les peuples ont reconnu l'existence de la magie.
Mais on a attribué à cet art noir bien des accidents qui n'en ont pas été le produit. Et il est constant que les écrivains des siècles passés ont entouré les historiens magiques d'une crédulité trop étendue. La magie, disent-ils, donne à ceux qui la possèdent une puissance à laquelle rien ne peut résister. D'un coup de baguette, d'un mot, d'un signe, ils bouleversent les éléments, changent l'ordre immuable de la nature, livrent le monde aux puissances infernales, déchaînent les tempêtes, les vents et les orages, en un mot, font le froid et le chaud.
Les magiciens et sorciers, dit Vecker, sont portés par l'air d'un très léger mouvement, vont où ils veulent, et cheminent sur les eaux, comme Oddon le pirate, lequel voltigeait çà et là, en haute mer, sans esquif ni navire.


L'histoire des deux magiciens qui se confrontèrent

On conte qu'un magicien coupa la tête d'un valet en présence de plusieurs personnes qu'il voulait divertir, et dans le dessein de la remettre. Mais pendant qu'il se disposait à rétablir cette tête, il vit un autre magicien qui s'obstinait à le contrecarrer, quelque prière qu'il lui adressât. Il fit naître tout d'un coup un lys sur une table, et en ayant abattu la tête, son ennemi tomba par terre sans tête et sans vie. Puis il rétablit celle du valet, et s'enfuit.


L'histoire du magicien qui chassa tous les rats d'une ville

Mais voici un fait moins grotesque. Les habitants d'Hamel sur le Wéser, en Basse-Saxe, étant, en l'année 1284, tourmentés d'une quantité surprenante de rats et de souris, jusque-là qu'il ne leur restait pas un grain qui ne fût endommagé, et plusieurs d'entre eux songeant aux moyens de se délivrer de ce fléau, il apparut tout d'un coup un homme étranger, d'une taille extraordinaire, qui entreprit, moyennant une somme d'argent dont on convint, de chasser sur l'heure toutes les souris hors du territoire de la ville. Après que le marché fut conclu, il tira une flûte de sa gibecière, et se mit à en jouer. Aussitôt tous les rats qui se trouvaient dans les maisons, sous les toits, dans les planchers, sortirent par bandes, en plein jour, et suivirent le joueur de flûte jusqu'au Wéser, où ayant relevé ses habits il entra dans la rivière, et les rats qu'il entraînait s'y noyèrent.
Lorsqu'il eut ainsi exécuté sa promesse, il vint demander l'argent dont on était convenu avec lui. Mais il ne trouva plus les bourgeois dans la disposition de le lui compter. Cette mauvaise foi le rendit furieux. Il les menaça d'une vengeance terrible s'ils ne le satisfaisaient sur-le-champ. Les bourgeois se moquèrent de lui et de ses menaces. Mais le lendemain, le magicien leur apparut avec une mine effrayante, sous la figure d'un chasseur. Il avait un chapeau de pourpre sur la tête. Il joua d'une autre flûte tout à fait différente de la première, et tous les enfants de la ville, depuis quatre ans jusqu'à douze, le suivirent spontanément. Il les mena dans une caverne, sous une montagne hors la ville, sans que depuis ce temps-là on en ait jamais revu un seul, et sans qu'on ait appris ce que tous ces enfants étaient devenus.
Depuis cette surprenante aventure, on a pris, dans Hamel, la coutume de compter les années depuis la sortie des enfants, en mémoire de ceux qui furent perdus de cette manière. Et les annales transylvaines disent que, vers ce temps-là , il arriva en Transylvanie quelques enfants dont on n'entendait pas la langue, et que ces enfants, s'y étant établis, y perpétuèrent aussi leur langage, tellement qu'encore aujourd'hui on y parle allemand-saxon.
La première preuve, de cette histoire consiste dans la vitre d'une église d'Hamel, sur laquelle elle est peinte, avec quelques lettres que le temps n'a pas encore effacées. La seconde preuve était sur la porte appelée la Neuve, où l'on voyait des vers latins qui apprenaient qu'en 1284 un magicien enleva aux habitants 130 enfants, et les emmena sous le mont Coppenberg. Ces inscriptions ne prouvent, pas tout à fait que cette histoire soit vraie, mais seulement qu'on le croyait ainsi.


L'histoire du magicien Lexilis

Mouchemberg, dans la suite de l'Argenis, raconte les aventures singulières du magicien Lexilis. Ce magicien ayant été mis en prison par ordre du souverain de Tunis (le fait a eu lieu quelque temps avant la splendeur de Rome), il arriva dans ces entrefaites une étrange aventure au fils du geôlier de la prison où Lexilis était détenu. Ce jeune homme venait de se marier, et les parents célébraient les noces hors de la ville. Le soir venu, on joua au ballon. Pour avoir la main plus libre, le jeune marié ôta de son doigt l'anneau nuptial, et le mit au doigt d'une statue qui était près de là. Après avoir bien joué, il retourne vers la statue pour reprendre son anneau. Mais la main s'était fermée, et il lui fut impossible de le retirer. Il ne dit rien de ce prodige. Mais quand tout le monde fut rentré dans la ville, il revint seul devant la statue, trouva la main ouverte et étendue comme auparavant, toutefois sans la bague qu'il y avait laissée. Ce second événement le jeta dans une grande surprise. Il n'en alla pas moins rejoindre sa famille. Mais il voulut inutilement se rapprocher de sa femme. Un corps solide se plaçait continuellement devant lui.
« C'est moi que tu dois embrasser, lui dit-on enfin, puisque tu m'as épousée aujourd'hui: je suis la statue au doigt de qui tu as mis ton anneau. »
Le jeune époux, effrayé, révéla la chose à ses parents. Son père lui conseilla d'aller trouver Lexilis dans son cachot. Il lui en remit la clef. Le jeune homme s'y rendit et trouva le magicien endormi sur une table. Après avoir attendu longtemps sans qu'il s'éveillât, il le tira doucement par le pied. Le pied avec la jambe lui demeura dans les mains...
Lexilis, s'éveillant alors, poussa un cri. La porte du cachot se referma d'elle-même. Le marié tremblant se jeta aux genoux du magicien, lui demanda pardon de sa maladresse, et implora son assistance. Le magicien promit de le débarrasser de la statue, moyennant qu'on le mît en liberté. Le marché fait, il rajusta sa jambe à sa place, et sortit.
Quand il fut libre, Lexilis écrivit une lettre qu'il donna au jeune homme: « Va-t'en à minuit, lui dit-il, dans le carrefour voisin où aboutissent quatre rues. Attends debout et en silence ce que le hasard t'amènera. Tu n'y seras pas longtemps sans voir passer plusieurs personnages, chevaliers, piétons, laquais, gentilshommes; les uns armés, les autres sans armes; les uns tristes, les autres gais. Quoi que tu voies et que tu entendes, garde-toi de parler ni de remuer. Après cette troupe, suivra un certain, puissant de taille, assis sur un char. Tu lui remettras la lettre, sans dire un mot, et tout ce que tu désires arrivera. »
Le jeune homme fit ce qui lui était proscrit, et vit passer un grand cortège. Le maître de la compagnie venait le dernier, monté sur un char triomphal. Il passa devant le fils du geôlier. Et jetant sur lui des regards terribles, il lui demanda de quel front il osait se trouver à sa rencontre? Le jeune homme, mourant de peur, eut pourtant le courage d'avancer la main et de présenter sa lettre. L'esprit, reconnaissant le cachet, la lut aussitôt et s'écria: « Ce Lexilis sera-t-il longtemps encore sur la terre!... » Un instant après, il envoya un de ses gens ôter l'anneau du doigt de la statue, et le jeune époux cessa d'être troublé.
Cependant le geôlier fit annoncer au souverain de Tunis que Lexilis s'était échappé. Tandis qu'on le cherchait de toutes parts, le magicien entra dans le palais, suivi d'une vingtaine de jeunes filles qui portaient des mets choisis pour le prince. Mais, tout en avouant qu'il n'avait rien manger de si délicieux, le roi de Tunis n'en renouvela pas moins l'ordre d'arrêter Lexilis. Les gardes voulant s'emparer de lui ne trouvèrent à sa place qu'un chien mort, sur le ventre duquel ils avaient tous la main...
Ce prestige excita la risée générale. Après qu'on se fut calmé, on alla à la maison du magicien. Il était à sa fenêtre, regardant venir son monde. Aussitôt que les soldais le virent, ils coururent à sa porte, qui se ferma incontinent. De par le roi, le capitaine des gardes lui commanda de se rendre, le menaçant d'enfoncer la porte s'il refusait d'obéir.
« — Et si je me rends, dit Lexilis, que ferez-vous de moi?
— Nous vous conduirons courtoisement au prince.
— Je vous remercie de votre courtoisie, mais par où irons-nous au palais?
— Par cette rue » reprit le capitaine, en la montrant du doigt.
Et en même temps il aperçut un grand fleuve qui venait à lui en grossissant ses eaux, et remplissait la rue qu'il venait de désigner, tellement, qu'en moins de rien ils en eurent jusqu'à la gorge. Lexilis, riant, leur criait: « Retournez au palais, car pour moi je ne me soucie pas d'y aller en barbet. »
Le prince ayant appris ceci résolut de perdre la couronne plutôt que de laisser le magicien impuni, il s'arma lui-même pour aller à sa poursuite, et le trouva dans la campagne qui se promenait paisiblement. Les soldats l'entourèrent pour le saisir, mais Lexilis faisant un geste, chaque soldat se trouva la tête engagée entre deux piquets, avec deux cornes de cerf qui l'empêchaient de se retirer. Ils restèrent longtemps dans cette posture, pendant que des enfants leur donnaient de grands coups de houssine sur les cornes...
Le magicien sautait d'aise à ce spectacle, et le prince était furieux. Ayant aperçu à terre aux pieds de Lexilis, un morceau de parchemin carré, sur lequel étaient tracés des caractères, le roi de Tunis se baissa et le ramassa, sans être vu du magicien. Dès qu'il eut ces caractères dans la main, les soldats perdirent leurs cornes. Les piquets s'évanouirent: Lexilis fut pris, enchaîné, mené en prison, et de là sur l'échafaud pour y être rompu. Mais ici il joua encore un tour de son métier. Car, comme le bourreau déchargeait la barre de fer sur lui, le coup tomba sur un tambour plein de vin, qui se répandit sur la place, et Lexilis ne reparut plus à Tunis...


L'histoire du magicien qui s'envola dans le ciel

Voici une autre histoire contée par Wierus: Un magicien de Magdebourg gagnait sa vie en faisant des tours de son métier, des enchantements, des fascinations et des prestiges, sur un théâtre public. Un jour qu'il montrait, pour quelque monnaie, un petit cheval à qui il faisait exécuter, par la force de sa magie, des choses incroyables, après qu'il eut fini son jeu, il s'écria qu'il gagnait trop peu d'argent avec les hommes, et qu'il allait monter au ciel... Ayant donc jeté son fouet en l'air, ce fouet commença de s'enlever. Le petit cheval ayant saisi avec sa mâchoire, l'extrémité du fouet s'enleva pareillement. L'enchanteur, comme s'il eût voulu retenir son bidet, le prit par la queue, et fut emporté de même. La trois de cet habile magicien empoigna à son tour les jambes de son mari, qu'elle suivit. Enfin la servante s'accrocha aux pieds de sa maîtresse, le valet aux jambes de la servante, et bientôt le fouet, le petit cheval, le sorcier, la femme, la cuisinière, le laquais, s'enlevèrent si haut qu'on ne les vit plus.
Pendant que tous les assistants demeuraient tout stupéfaits d'admiration, il survint un homme qui leur demanda pourquoi ils bayaient aux corneilles. Et quand il le sut: « Soyez en paix, leur dit-il, votre sorcier n'est pas perdu, je viens de le voir à l'autre bout de la ville, qui descendait à son auberge avec tout son monde. »


Le placebo d'Hemmingius

On raconte qu'Hemmingius, théologien célèbre, cita un jour deux vers barbares dans une de ses leçons, et ajouta, pour se divertir, qu'ils pouvaient chasser la fièvre, parce qu'ils étaient magiques. L'un de ses auditeurs en fit l'essai sur son valet, et le guérit. Puis après on fit courir le remède, et il arriva que plusieurs fébricitants s'en trouvèrent bien. Hemmingius, après cela, se crut obligé de dire qu'il n'avait parlé de la sorte qu'en riant, et que ce n'était qu'un jeu d'esprit. Dès lors le remède tomba. Mais il y en eut beaucoup qui ne voulurent point se dédire de la confiance qu'ils y avaient ajoutée.
Les maladies n'existent souvent que dans l'imagination: telle personne guérira avec un charlatan en qui elle a confiance. Telle autre ne guérira point avec un excellent médecin de qui elle se défie.


La magie islandaise

La première magie de ces peuples consiste à évoquer des esprits aériens et à les faire descendre sur terre pour s'en servir. Elle était regardée comme la magie des grands. Cependant, ces derniers en avaient encore une qui consistait à interpréter le chant des oiseaux, surtout des corneilles, les oiseaux les plus instruits dans la connaissance des affaires d'état et les plus capables de prédire l'avenir. Mais comme il n'en existe point en Islande, les corbeaux remplissaient cet office: les rois ne faisaient pas même scrupule de se servir de cette magie.

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