La croyance relative à Pierre philosophale


Une science mystérieuse

On regarde la pierre philosophale comme une chimère. Ce mépris, disent les philosophes hermétiques, est un effet du juste jugement de Dieu, qui ne permet pas qu'un secret si précieux soit connu des méchants et des ignorants. Cette science fait partie de la cabale, et ne s'enseigne que de bouche à bouche. Les alchimistes donnent une foule de noms à la pierre philosophale: c'est la fille du grand secret, le soleil est son père, la lune est sa mère, le vent l'a portée dans son ventre, élixir universel, eau du soleil, poudre de projection, etc.
Cette précieuse pierre, qu'on a tant cherchée, et que sans doute on n'a jamais pu découvrir, procurerait à celui qui aurait le bonheur de la posséder des richesses incompréhensibles, une santé toujours florissante, une vie exempte de toutes sortes de maladies, et même, au sentiment de plus d'un cabaliste, l'immortalité... Il ne trouverait rien qui pût lui résister, et serait sur la terre le plus glorieux, le plus puissant, le plus riche et le plus heureux des mortels. Il convertirait à son gré tout en or, et jouirait de tous les agréments.
L'empereur Rodolphe n'avait rien plus à cœur que cette inutile recherche. Le roi d'Espagne Philippe II employa, dit-on, de grandes sommes à faire travailler les chimistes aux conversions des métaux. Tous ceux qui ont marché sur leurs traces n'ont pas eu plus de succès.


Les origines de la pierre philosophale

Le secret plus ou moins chimérique de faire de l'or a été en vogue parmi les Chinois longtemps avant qu'on en eût les premières notions en Europe. Ils parlent dans leurs livres, en termes magiques, de la semence d'or et de la poudre de projection. Ils promettent de tirer de leurs creusets, non seulement de l'or, mais encore un remède spécifique et universel, qui procure à ceux qui le prennent une espèce d'immortalité.
Zosime, qui vivait au commencement du Ve siècle, est un des premiers parmi nous qui aient écrit sur l'art de faire de l'or et de l'argent, ou la manière de fabriquer la pierre philosophale. Cette pierre est une poudre ou une liqueur formée de divers métaux en fusion sous une constellation favorable.
Gibbon remarque que les anciens ne connaissaient pas l'alchimie. Cependant on voit dans Pline que l'empereur Caligula entreprit de faire de l'or avec une préparation d'arsenic, et qu'il abandonna son projet, parce que les dépenses l'emportaient sur le profit.
Des partisans de cette science prétendent que les Egyptiens en connaissaient tous les mystères.


La recette de la pierre philosophale

Quelques-uns donnent cette recette comme le véritable secret de faire l'œuvre hermétique:
Mettez dans une fiole de verre fort, au feu de sable, de l'élixir d'aristée, avec du baume de mercure et une pareille pesanteur du plus pur or de vie ou précipité d'or, et la calcination qui restera au fond de la fiole se multipliera cent mille fois. Si l'on ne sait comment se procurer de l'élixir d'aristée et du baume de mercure, on peut implorer les esprits cabalistiques, ou même, si on l'aime mieux, le démon barbu, dont nous parlerons.
On a dit aussi que saint Jean l'évangéliste avait enseigné le secret de faire de l'or. Et en effet, on chantait autrefois, dans quelques églises, une hymne en son honneur où se trouve une allégorie que les alchimistes s'appliquent.
D'autres disent que pour faire le grand œuvre, il faut de l'or, du plomb, du fer, de l'antimoine, du vitriol, du sublimé, de l'arsenic, du tartre, du mercure, de l'eau, de la terre et de l'air, auxquels on joint un œuf de coq, du crachat, de l'urine et des excréments humains. Aussi un philosophe a dit avec raison que la pierre philosophale était une salade, et qu'il y fallait du sel, de l'huile et du vinaigre.
Nous donnerons une plus ample idée de la matière et du raisonnement des adeptes, en présentant quelques passages du traité de chimie philosophique et hermétique publié à Paris en 1725:
« Au commencement, dit l'auteur, les sages, ayant bien considéré, ont reconnu que l'or engendre l'or et l'argent, et qu'ils peuvent se multiplier en leurs espèces. Les anciens philosophes, travaillant par la voie, sèche, ont rendu une partie de leur or volatil, et l'ont réduit en sublimé blanc comme neige et luisant comme cristal. Ils ont converti l'autre partie en sel fixe. Et de la conjonction du volatil avec le fixe, ils ont fait leur élixir. Les philosophes modernes ont extrait de l'intérieur du mercure un esprit igné, minéral, végétal et multiplicatif, dans la concavité humide duquel est caché le mercure primitif ou quintessence universelle. Par le moyen de cet esprit, ils ont attiré la semence spirituelle contenue en l'or. Et par cette voie, qu'ils ont appelée voie humide, leur soufre et leur mercure ont été faits: c'est le mercure des philosophes, qui n'est pas solide comme le métal, ni mou comme le vif-argent, mais entre les deux. Ils ont tenu longtemps ce secret caché, parce que c'est le commencement, le milieu et la fin de l'œuvre: nous l'allons découvrir pour le bien de tous. Il faut donc, pour faire l'œuvre:

  • 1° Purger le mercure avec du sel et du vinaigre (salade).
  • 2° Le sublimer avec du vitriol et du salpêtre.
  • 3° Le dissoudre dans l'eau-forte.
  • 4° Le sublimer derechef.
  • 5° Le calciner et le fixer.
  • 6° En dissoudre une partie par défaillance à la cave, où il se résoudra en liqueur ou huile (salade).
  • 7° Distiller cette liqueur pour en séparer l'eau spirituelle, l'air et le feu.
  • 8° Mettre de ce corps mercuriel calciné et fixé dans l'eau spirituelle ou esprit liquide mercuriel distillé.
  • 9° Les putréfier ensemble jusqu'à la noirceur, puis il s'élèvera en superficie de l'esprit un soufre blanc non odorant qui est aussi appelé sel armoniac.
  • 10° Dissoudre ce sel armoniac dans l'esprit mercuriel liquide, puis le distiller jusqu'à ce que tout passe en liqueur, et alors sera fait le vinaigre des sages.
  • 11° Cela parachevé, il faudra passer de l'or à l'antimoine par trois fois, et après le réduire en chaux.
  • 12° Mettre cette chaux d'or dans ce vinaigre très aigre, les laisser putréfier, et en superficie du vinaigre, il s'élèvera une terre fouillée de la couleur des perles orientales. Il faut sublimer de nouveau jusqu'à ce que cette terre soit très pure: alors vous aurez fait la première opération du grand œuvre.

Pour le second travail, prenez, au nom de Dieu, une part de cette chaux d'or et deux parts de l'eau spirituelle chargée de son sel armoniac. Mettez cette noble confection dans un vase de cristal de la forme d'un œuf. Scellez le tout du sceau d'Hermès. Entretenez un feu doux et continuel. L'eau ignée dissoudra peu à peu la chaux d'or. Il se formera une liqueur qui est l'eau des sages et leur vrai chaos, contenant les qualités élémentaires, chaud, sec, froid et humide. Laissez putréfier cette composition jusqu'à ce qu'elle devienne noire: cette noirceur, qui est appelée la tête de corbeau et le saturne des sages, fait connaître à l'artiste qu'il est en bon chemin. Mais pour ôter cette noirceur puante, qu'on appelle aussi terre noire, il faut faire bouillir de nouveau, jusqu'à ce que le vase ne présente plus qu'une substance blanche comme la neige. Ce degré de l'œuvre s'appelle le cygne. Il faut enfin fixer par le feu cette liqueur blanche qui se calcine et se divise en deux parts: l'une blanche pour l'argent, l'autre rouge pour l'or. Alors vous aurez accompli les travaux, et vous posséderez la pierre philosophale.
Dans les diverses opérations, on peut tirer divers produits: d'abord le lion vert, qui est un liquide épais, qu'on nomme aussi l'azot, et qui fait sortir l'or caché dans les matières ignobles. Le lion rouge, qui convertit les métaux en or, est une poudre d'un rouge vif. La tête de corbeau, dite encore la voile noire du navire de Thésée, dépôt noir qui précède le lion vert, et dont l'apparition, au bout de quarante jours, promet le succès de l'œuvre. Il sert à la décomposition et putréfaction des objets dont on veut tirer l'or. La poudre blanche transmue les métaux blancs en argent fin. L'élixir au rouge, avec lequel on fait de l'or et on guérit toutes les plaies. L'élixir au blanc, avec lequel on fait de l'argent et on se procure une vie extrêmement longue. On l'appelle aussi la fille blanche des philosophes. Toutes ces variétés de la pierre philosophale végètent et se multiplient... »
Le reste du livre est sur le même ton. Il contient tous les secrets de l'alchimie.


La divine pierre philosophale

Les adeptes prétendent que Dieu enseigna l'alchimie à Adam, qui en apprit le secret à Enoch, duquel il descendit par degrés à Abraham, à Moïse, à Job, qui multiplia ses biens au septuple par le moyen dé la pierre philosophale, à Paracelse, et surtout à Nicolas Flamel. Ils citent avec respect des livres de philosophie hermétique qu'ils attribuent à Marie, sœur de Moïse, à Hermes Trismégiste, à Démocrite, à Aristote, à saint Thomas d'Aquin, etc. La boîte de Pandore, la toison d'or de Jason, le caillou de Sisyphe, la cuisse d'or de Pythagore, ne sont, selon eux, que le grand œuvre. Ils trouvent tous leurs mystères dans la Genèse, dans l'Apocalypse surtout, dont ils font un poème à la louange de l'alchimie, dans l'Odyssée, dans les Métamorphoses d'Ovide. Les dragons qui veillent, les taureaux qui soufflent du feu, sont des emblèmes des travaux hermétiques.
Gobineau de Montluisant, gentilhomme chartrain, a même donné une explication extravagante des figures bizarres qui ornent la façade de Notre-Dame de Paris. Il y voyait une histoire complète de la pierre philosophale. Le Père éternel étendant les bras, et tenant un ange dans chacune de ses mains, annonce assez, dit-il, la perfection de l'œuvre achevé.


La pierre philosophale et la magie

D'autres assurent qu'on ne peut posséder le grand secret que par le secours de la magie. Ils nomment démon barbu le démon qui se charge de l'enseigner. C'est, disent-ils, un très vieux démon. On trouve à l'appui de cette opinion, dans plusieurs livres de conjurations magiques, des formules qui évoquent les démons hermétiques.
Cédrénus, qui donnait dans cette croyance, raconte qu'un alchimiste présenta à l'empereur Anastase, comme l'ouvrage de son art, un frein d'or et de pierreries pour son cheval. L'empereur accepta le présent et fit mettre l'alchimiste dans une prison où il mourut. Après quoi le frein devint noir, et on reconnut que l'or des alchimistes n'était qu'un prestige du diable. Beaucoup d'anecdotes prouvent que ce n'est qu'une friponnerie ordinaire.
Un rose-croix, passant à Sedan, donna à Henri Ier, prince de Bouillon, le secret de l'aire de l'or, qui consistait à faire fondre dans un creuset un grain d'une poudre rouge qu'il lui remit avec quelques onces de litharge. Le prince fit l'opération devant le charlatan, et tira trois onces d'or pour trois grains de cette poudre. Il fut encore plus ravi qu'étonné. Et l'adepte, pour achever de le séduire, lui fit présent de toute sa poudre transmutante. Il y en avait trois cent mille grains. Le prince crut posséder trois cent mille onces d'or. Le philosophe était pressé de partir. Il alla à Venise tenir la grande assemblée des philosophes hermétiques. Il ne lui restait plus rien, mais il ne demandait que vingt mille écus. Le duc de Bouillon les lui donna et le renvoya avec honneur. Comme en arrivant à Sedan le charlatan avait fait acheter toute la litharge qui se trouvait chez les apothicaires de cette ville et l'avait fait revendre ensuite chargée de quelques onces d'or, quand cette litharge fut épuisée, le prince ne fit plus d'or, ne vit plus le rose-croix et en fut pour ses vingt mille écus.

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