La croyance relative à Turpin

On met la vision qui suit sur le compte du bon Turpin.


Turpin et la troupe d'esprits malins

Moi, Turpin, archevêque de Reims, étant à Vienne (en Dauphiné), après avoir chanté la messe dans ma chapelle, et y avoir célébré les saints mystères, comme j'étais resté seul pour réciter quelques psaumes, et que j'avais commencé le Deus, in adjutorium meum intende, j'ouïs passer une grande troupe d'esprits malins, qui marchaient avec beaucoup de bruit et de clameurs. Sur-le-champ je mis la tête à la fenêtre pour voir ce que c'était, et je remarquai une multitude de démons, mais si nombreux qu'il n'était pas possible de les compter. Et comme ils marchaient tous à grands pas, j'en remarquai un moins haut que les autres, dont néanmoins la figure faisait horreur. Il était suivi d'une troupe qui venait après lui à quelque distance. Je le conjurai de me déclarer au plus tôt où ils allaient.
« — Nous allons, dit-il, nous saisir de l'âme de Charlemagne, qui venait de sortir de ce monde.
— Allez, lui répondis-je, et par le même ordre que j'ai déjà employé, je vous conjure de repasser ici pour me rapporter ce que vous aurez fait. »
Il s'en alla donc et suivit sa troupe. Dès qu'il fut parti, je me mis à réciter le premier psaume. A peine l'avais-je fini que j'entendis tous ces démons qui revenaient.


L'âme de Charlemagne sauvée des démons

Le vacarme m'obligea de regarder par la même croisée, et je les trouvai tristes, inquiets et chagrins. Alors je demandai à celui qui m'avait déjà parlé de me déclarer ce qu'ils avaient fait et quel avait été le succès de leur entreprise.
« Très-mauvaise, me répondit-il. A peine fûmes-nous arrivés à notre rendez-vous, que l'archange Michel vint avec la légion qui est sous ses ordres pour s'opposer à notre dessin. Et comme nous voulions nous saisir de l'âme du roi, il se présenta deux hommes sans tête: saint Jacques de Galice et saint Denis de France. Ils mirent dans une balance toutes les bonnes œuvres de ce prince. Ils y firent entrer tout le bois et les pierres employés aux bâtiments et ornements des églises construites par lui, et généralement, tout ce qui contribue à la gloire de Dieu. Nous ne pûmes rassembler assez de maux et de péchés pour l'emporter. A l'instant, ravis de nous voir honteux et confus, pleins de joie d'ailleurs de nous avoir enlevé l'âme du roi, ils nous ont fustigés si fort, qu'ils nous ont causé la tristesse et le chagrin où vous nous voyez, autant pour la perte que nous venons de faire que pour le mal que nous avons reçu. »


La préparation des offices funéraires de Charlemagne

Ainsi moi, Turpin, je fus assuré que l'âme du roi, mon maître, avait été enlevée par les mains des anges bienheureux, par les mérites de ses bonnes œuvres, et par la protection des saints qu'il a révérés et servis pendant sa vie. Aussitôt je fis venir mes clercs. J'ordonnai de faire sonner toutes les cloches de la ville, je fis dire des messes, je distribuai des aumônes aux pauvres, enfin je fis prier pour l'âme du prince. Alors même je témoignai à tous ceux que je voyais que j'étais assuré de la mort de l'empereur. Au bout de dix jours, je reçus un courrier par lequel on m'en marquait tout le détail, et son corps fut inhumé dans l'église que lui-même avait fait bâtir à Aix-la-Chapelle.

Malheureusement pour le conte, il paraît que l'archevêque Turpin était mort en 794, et Charlemagne mourut en 814...

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